mercredi 18 novembre 2015

Ce que les mots veulent dire...

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 "Le Monde" a publié le 16 novembre une tribune de David Van Reybrouck intitulée "Monsieur le Président, vous êtes tombé dans le piège !"

Un ami ayant été surpris (c'est un euphémisme) que j'approuve cette tribune, m'ayant même signalé sur twitter une intéressante critique approfondie et argumentée d'une journaliste (Isabelle Kersimon) qui assassine ce texte en 4 mots (les journalistes doivent avoir le sens de la concision, mais tout de même, on atteint-là le degré zéro de l'analyse !) : "les salauds sont lâchés !", j'ai tenté de lui répondre en un petit peu plus de 140 caractères.

Peut-être ces quelques lignes pourront-t-elles alimenter une réflexion plus large sur ce sujet qui me semble extrêmement important.

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Hollande et Valls sont partis, la fleur au fusil dans l’imaginaire de la guerre. Parce que c’est le premier mot qui vient à l’esprit, bien sûr, parce que c’est un mot efficace, compréhensible, dramatique… et surtout parce que c’est un mot que nous connaissons tous bien !
La guerre, ça veut dire une armée contre une autre, un ennemi contre un autre, un front contre un autre, tout ceci démultiplié autant de fois qu’on voudra (enfin, pas trop quand même, la 2e guerre mondiale nous montre comment une armée très largement supérieure en moyens a fini par perdre la guerre à force d’ouvrir des fronts de tous côtés – mais ceci est une autre histoire.)

Mais bon, la guerre, c’est au minimum un  État contre un autre, avec une volonté géostratégique (« je veux récupérer le Donbass » pourrait être un bon exemple d’actualité), avec une diplomatie (parce, sauf exception, le but de toute guerre est bien d’arriver à la paix, fût-elle injuste), avec une armée, etc.

Or, qu’il le veuille ou non, le pseudo-État islamique n’est pas un État. Non pas que cette organisation ne domine pas un territoire (quelques milliers de km2 et environ 8 millions d’habitants si j’ai bien compris), mais il n’est tout simplement reconnu par personne au monde, n’a pas de frontières établies, et n’a donc aucune existance légale ; parce que, même bien armé, ce groupe ne s’attaque militairement qu’à des compatriotes (syriens ou irakiens), ce qui les rend au mieux (si je puis dire) comparses d’une guerre civile qui ne nous implique pas directement.

À Paris et Saint-Denis, ce n’est pas une armée qui nous a attaqués, ce sont des guignols très idéologisés, très violents, très terroristes, à la logorrhée édifiante, mais encore une fois, ce n’est pas une armée.
Ces attaques ne relèvent pas des lois de la guerre, mais du droit pénal, ce qui est très différent !

En parlant de guerre, Hollande ne fait en réalité qu’une déclaration de guerre, exactement ce que cherchait Daech (à supposer que ce soit cette organisation qui ait commandité et organisé ces attentats) : si on nous déclare la guerre, non seulement cela veut dire que nous existons aux yeux du monde, mais qu’en plus, si on nous attaque, nous sommes fondés à riposter.

Parler de guerre, c’est aussi engager les moyens de la guerre. Sans faire ni une ni deux, Hollande a dont fait bombarder d’urgence quelques positions (vides de combattants, semble-t-il) de l’IS. D’urgence ? Voire, il faut paraît-il plusieurs semaines pour préparer ce genre de missions. Quant à l’efficacité… cette mission n’aura été qu’une mission de plus ; environ une par jour depuis un an, sans compter les missions russes contre les « modérés » syriens.

Il me semble que la seule chose que l’on puisse attendre de ce type de réplique virile (hormis quelques points dans les sondages, et encore), c’est de finir par bombarder des civils (éventuellement soigneusement installés par l’IS.) Et pour chaque civil tué (quelques enfants, bien sûr, ça sera mieux), ce sera quelques centaines d’adhérents en plus pour cette organisation.

Parler de guerre, c’est se tromper encore puisque nos valeureux combattants se trouvent tous être français (à l'heure où j'écris) ! S’agirait-il d’une guerre civile ? Allons, il faudrait qu’ils soient un peu plus nombreux, tout de même. Qu’ils trouvent un certain écho dans la population. Or il est frappant de lire les commentaires des enseignants après la journée de lundi : là où, en janvier, il y avait eu des mouvements plus que marginaux contre la minute de silence, il y a aujourd’hui unanimité et gravité.
5, 10 ou  500 personnes ne font pas une guerre civile, ils font juste du terrorisme. Et les armes pour répondre au terrorisme ne sont pas celles qu’on utilise pour la guerre. Or ce sont celles-ci qu’il faudrait déployer. De toute urgence !

Encore une fois, parler de guerre conduit à prendre des mesures qui ne correspondent que de très loin au problème posé : rappeler les réservistes, prétendre qu’on va recruter 5000 gendarmes ou policiers supplémentaires alors qu’on ne les trouvera pas et qu’on n’a pas les structures pour les former, modifier la constitution pour emmerder la droite alors que, en matière de terrorisme notre état de droit permet de prendre toutes les mesures nécessaires (à condition d’y mettre les moyens)… tout cela est de mauvaise politique.

Pour trouver les bonnes réponses à la situation dans laquelle nous sommes, il faut la questionner avec les bons mots. C'est une affaire de morale et d'efficacité.

Voilà pourquoi je pense que la tribune de David Van Reybrouck est intéressante !


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